Aujourd'hui, au boulot:
Peu de stress ce matin, beaucoup d'élèves absents.
Mais les retardataires sont arrivés (les derniers à 14 h, et le retard n'était pas du aux avions, notez bien, juste au fait d'avoir loupé un bus de ville ! Notez la bonne volonté pour réussir à rattraper le bus suivant ! D'autant que deux des gamins qui viennent de directions totalement opposées sont arrivés en même temps à 14 heures !)
Bref, une fois ces deux là arrivés, ça s'est malheureusement gaté...
Une classe vidée des 3/4 des élèves, les uns exclus, les autres soit fugueurs soit remis à la vie scolaire en raison de refus de travail et comportement délirant, bref, ils n'étaient plus que 5 en classe. Vous pourriez penser qu'enfin, on pourrait travailler ? Hé bien, non, évidemment !
Impossible d'avoir la main, ou en l'occurence un simple espace pour parler, même pas pour discuter. Ils tapent sur les tables chaque fois que je tente de placer un mot. Je lève le ton... Je travaille toujours porte ouverte afin que le passage du directeur dont le bureau juxte ma classe, les calme un peu: rien n'y fait, ils s'en foutent !
D'ailleurs je vois s'encadrer dans la porte le principal, homme très digne et respecté de la communauté, accompagné par la CPE... alertés par le bruit, sans aucun doute. Je suis en train de tenter de les ramener à la raison, on ne peut que constater que je fais le maximum, mais les 5 tapent toujours sur les tables pour ne pas m'entendre, et une gamine de 12 ans se perche sur sa chaise et harangue les foules tonitruentes, le poing levé, en criant haut et fort: "Oui, vous les profs, vous croyez que vous faites la loi ! Mais c'est pas vrai, c'est nous qui la faisons !!!!!!!!"
Cette petite aura de l'avenir pour les grandes manifestations de demain, sans aucun doute.
Je lui explique que non, elle ne fera pas la loi et qu'on en reparlera lorsqu'elle sera calmée. Et je me retourne vers ma hiérarchie: que faire ? Essayer de finir l'heure au calme, autant que faire se peu, car il y a plus d'élèves de ce groupe qui sont déjà exclus dans diverses parties du collège que d'élèves encore présents en classe...
J'ai donc fini mon heure dans la souffrance la plus totale. Avec la stratégie de leur laisser un travail qu'ils n'ont pas fait, puisqu'ils ne voulaient pas travailler, et d'aller dans la pièce de la photocopieuse faire des photocopies, car de cette pièce située en vis à vis de la classe, je peux les surveiller. Chaque fois que je sortais, ils redevenaient calmes, dès que je revenais, ils se mettaient à taper sur les tables. Cinq élèves de 12 ans. Cinq. Une enseignante spécialisée. Une.
J'entends la voix de ma mère dire: "de mon temps on en avait 50 et on entendait les mouches voler"... Oui, maman, mais tu sais, les temps ont bien changé !
Moi. C'est moi ou pas ?
Je ne comprends pas ce qui arrive. Durant ces années en SEGPA, lorsque je les amenais en informatique par exemple, le travail les passionnait, je passais d'un élève à l'autre pour les guider, on avançait, ils étaient ravis de faire et de réussir des choses nouvelles, qui leur paraissaient si difficiles avant... C'était le bon temps où les profs s'étonnaient de voir ma classe de segpa au travail, au calme, et où ils me demandaient, un peu étonnés "mais qu'est-ce qui se passe ici ?", persuadés qu'il y avait un problème... Aujourd'hui, ce serait encore comme ça si quelques élèves ne mettaient pas le feu aux poudres... Pour que vous compreniez ce que je veux dire: j'aide un instant un élève, aussitot, j'entends un hurlement car soit un autre élève a été tapé, soit son voisin lui a éteint son ordinateur, soit on lui a pris sa trousse, tiré les cheveux... ceux qui veulent se mettre au travail sont parasités par ceux qui n'ont qu'une envie: semer le bazar... S'il n'y en avait qu'un qui pose problème, je me mettrais près de lui ou je le sortirais, mais ils sont plusieurs, et très malins pour faire croire que ça n'est pas eux, mais le voisin... Avant, dans une heure de cours, je faisais 10 min de discipline et on travaillait 40 minutes, aujourdh'ui, je ne sais même pas si on atteint le ratio contraire.
Je ne sais pas quoi faire.
Je suis démunie.
La hiérarchie ne sait pas quoi faire.
Les surveillants ne peuvent venir à notre aide, leur nombre a diminué de moitié depuis deux ans.
Nous sommes débordés.
Tout comme le sont les parents que nous rencontrons et qui viennent demander de l'aide, des conseils. Qui viennent exprimer leur désespoir, leur incompréhension. Et en deux ans, par deux fois, des familles sont venues nous supplier qu'on fasse des dossiers pour que leur gosse parte en pension, en famille d'accueil, n'importe où mais plus chez eux, qu'on leur retire... j'ai entendu une mère nous dire, devant son gosse: "J'en veux plus !"
Faire ce que nous savons faire devient impossible. Car reprendre les élèves un par un lorsque tous ont des problèmes de comportement, nous n'en avons plus les moyens. Plus le temps. Trop de choses à reprendre, sans cesse.
Plus de moyens, plus de temps.
Alors, que faut-il faire ?
Comment le métier d'enseignant doit-il évoluer pour répondre aux attentes de cette jeunesse. Pardon: que faire pour que cette jeunesse puisse avoir des attentes ?
Ah, c'est vrai... on nous a proposé un flic dans le collège pour nous aider à gérer nos fortes têtes ! Une solution, vraiment ? Nous nous y refusons.
Evidemment, un peu plus tard, la gamine a été reçue par le principal. Elle lui a tenu tête. On ne verra pas ses parents: le père est à l'étranger, la mère à l'hopital, le grand frère de 18 ans qui semble être là pour s'occuper d'elle travaille soit disant de nuit et ne peut venir au collège en journée (hum...), l'assistante sociale a mille familles de ce type et finalement, cette gosse n'est pas la plus en danger... Plus de moyens, plus d'argent, pas assez d'éducateurs, plus de psy, plus rien...
Le dossier restera sous la pile, et lorsqu'il remontera, il sera trop tard, quelque chose d'irréparable sera arrivé.
Je me sens mal.
Suis-je encore utile à quelque chose dans ces conditions ?
Après tout cela, j'étais crevée et d'une humeur de dogue à 15 h 30 et j'avoue avoir été impolie et incorrecte avec deux collègues qui m'ont fait une remarque... bref, pas fière de moi... mais là, on peut dire que le fait de m'être retenue durant 2 heures m'a laminée...
Bon, demain, j'irai présenter des excuses et ça devrait repartir...
Allez, en attendant, je resterai très chrono, hors de question que ces gamins me fassent craquer sur la bouffe et reprendre des kilos compensateurs ! NON MAIS !
Peu de stress ce matin, beaucoup d'élèves absents.
Mais les retardataires sont arrivés (les derniers à 14 h, et le retard n'était pas du aux avions, notez bien, juste au fait d'avoir loupé un bus de ville ! Notez la bonne volonté pour réussir à rattraper le bus suivant ! D'autant que deux des gamins qui viennent de directions totalement opposées sont arrivés en même temps à 14 heures !)
Bref, une fois ces deux là arrivés, ça s'est malheureusement gaté...
Une classe vidée des 3/4 des élèves, les uns exclus, les autres soit fugueurs soit remis à la vie scolaire en raison de refus de travail et comportement délirant, bref, ils n'étaient plus que 5 en classe. Vous pourriez penser qu'enfin, on pourrait travailler ? Hé bien, non, évidemment !
Impossible d'avoir la main, ou en l'occurence un simple espace pour parler, même pas pour discuter. Ils tapent sur les tables chaque fois que je tente de placer un mot. Je lève le ton... Je travaille toujours porte ouverte afin que le passage du directeur dont le bureau juxte ma classe, les calme un peu: rien n'y fait, ils s'en foutent !
D'ailleurs je vois s'encadrer dans la porte le principal, homme très digne et respecté de la communauté, accompagné par la CPE... alertés par le bruit, sans aucun doute. Je suis en train de tenter de les ramener à la raison, on ne peut que constater que je fais le maximum, mais les 5 tapent toujours sur les tables pour ne pas m'entendre, et une gamine de 12 ans se perche sur sa chaise et harangue les foules tonitruentes, le poing levé, en criant haut et fort: "Oui, vous les profs, vous croyez que vous faites la loi ! Mais c'est pas vrai, c'est nous qui la faisons !!!!!!!!"
Cette petite aura de l'avenir pour les grandes manifestations de demain, sans aucun doute.
Je lui explique que non, elle ne fera pas la loi et qu'on en reparlera lorsqu'elle sera calmée. Et je me retourne vers ma hiérarchie: que faire ? Essayer de finir l'heure au calme, autant que faire se peu, car il y a plus d'élèves de ce groupe qui sont déjà exclus dans diverses parties du collège que d'élèves encore présents en classe...
J'ai donc fini mon heure dans la souffrance la plus totale. Avec la stratégie de leur laisser un travail qu'ils n'ont pas fait, puisqu'ils ne voulaient pas travailler, et d'aller dans la pièce de la photocopieuse faire des photocopies, car de cette pièce située en vis à vis de la classe, je peux les surveiller. Chaque fois que je sortais, ils redevenaient calmes, dès que je revenais, ils se mettaient à taper sur les tables. Cinq élèves de 12 ans. Cinq. Une enseignante spécialisée. Une.
J'entends la voix de ma mère dire: "de mon temps on en avait 50 et on entendait les mouches voler"... Oui, maman, mais tu sais, les temps ont bien changé !
Moi. C'est moi ou pas ?
Je ne comprends pas ce qui arrive. Durant ces années en SEGPA, lorsque je les amenais en informatique par exemple, le travail les passionnait, je passais d'un élève à l'autre pour les guider, on avançait, ils étaient ravis de faire et de réussir des choses nouvelles, qui leur paraissaient si difficiles avant... C'était le bon temps où les profs s'étonnaient de voir ma classe de segpa au travail, au calme, et où ils me demandaient, un peu étonnés "mais qu'est-ce qui se passe ici ?", persuadés qu'il y avait un problème... Aujourd'hui, ce serait encore comme ça si quelques élèves ne mettaient pas le feu aux poudres... Pour que vous compreniez ce que je veux dire: j'aide un instant un élève, aussitot, j'entends un hurlement car soit un autre élève a été tapé, soit son voisin lui a éteint son ordinateur, soit on lui a pris sa trousse, tiré les cheveux... ceux qui veulent se mettre au travail sont parasités par ceux qui n'ont qu'une envie: semer le bazar... S'il n'y en avait qu'un qui pose problème, je me mettrais près de lui ou je le sortirais, mais ils sont plusieurs, et très malins pour faire croire que ça n'est pas eux, mais le voisin... Avant, dans une heure de cours, je faisais 10 min de discipline et on travaillait 40 minutes, aujourdh'ui, je ne sais même pas si on atteint le ratio contraire.
Je ne sais pas quoi faire.
Je suis démunie.
La hiérarchie ne sait pas quoi faire.
Les surveillants ne peuvent venir à notre aide, leur nombre a diminué de moitié depuis deux ans.
Nous sommes débordés.
Tout comme le sont les parents que nous rencontrons et qui viennent demander de l'aide, des conseils. Qui viennent exprimer leur désespoir, leur incompréhension. Et en deux ans, par deux fois, des familles sont venues nous supplier qu'on fasse des dossiers pour que leur gosse parte en pension, en famille d'accueil, n'importe où mais plus chez eux, qu'on leur retire... j'ai entendu une mère nous dire, devant son gosse: "J'en veux plus !"
Faire ce que nous savons faire devient impossible. Car reprendre les élèves un par un lorsque tous ont des problèmes de comportement, nous n'en avons plus les moyens. Plus le temps. Trop de choses à reprendre, sans cesse.
Plus de moyens, plus de temps.
Alors, que faut-il faire ?
Comment le métier d'enseignant doit-il évoluer pour répondre aux attentes de cette jeunesse. Pardon: que faire pour que cette jeunesse puisse avoir des attentes ?
Ah, c'est vrai... on nous a proposé un flic dans le collège pour nous aider à gérer nos fortes têtes ! Une solution, vraiment ? Nous nous y refusons.
Evidemment, un peu plus tard, la gamine a été reçue par le principal. Elle lui a tenu tête. On ne verra pas ses parents: le père est à l'étranger, la mère à l'hopital, le grand frère de 18 ans qui semble être là pour s'occuper d'elle travaille soit disant de nuit et ne peut venir au collège en journée (hum...), l'assistante sociale a mille familles de ce type et finalement, cette gosse n'est pas la plus en danger... Plus de moyens, plus d'argent, pas assez d'éducateurs, plus de psy, plus rien...
Le dossier restera sous la pile, et lorsqu'il remontera, il sera trop tard, quelque chose d'irréparable sera arrivé.
Je me sens mal.
Suis-je encore utile à quelque chose dans ces conditions ?
Après tout cela, j'étais crevée et d'une humeur de dogue à 15 h 30 et j'avoue avoir été impolie et incorrecte avec deux collègues qui m'ont fait une remarque... bref, pas fière de moi... mais là, on peut dire que le fait de m'être retenue durant 2 heures m'a laminée...
Bon, demain, j'irai présenter des excuses et ça devrait repartir...
Allez, en attendant, je resterai très chrono, hors de question que ces gamins me fassent craquer sur la bouffe et reprendre des kilos compensateurs ! NON MAIS !
Pour l'anecdote de tes élèves je pensais à cette phrase : les grands esprits se rencontrent!
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