Hier matin, à 7 h 50, à l'entrée de la cour, un gamin me voit, il se tourne vers 5 ou 6 acolytes, dit quelque chose que je ne comprends pas et hurle à toute voix, très très fort, toujours en me tournant le dos:
- Tiens, JE VOIS UNE PUTE... JE VOIS UNE SALOPE !
Tous ses camarades me regardent.
Puis il se retourne tanquillement, calmement, fait celui qui me découvre et me dit très poliment, toujours très fort, en me souriant hypocritement:
" Bonjour, Madame C... ! Vous allez bien, aujourd'hui ? Est-ce que vous êtes de bonne humeur ?"
Bon, conseil de discipline. Il est en 6ème, on va pas le garder jusqu'à 3ème, faut lui montrer qu'il a dépassé les limites (qu'il avait déjà franchi une bonne centaine de fois depuis le début de l'année scolaire) avant que les conseils de discipline soient interdits (l'année prochaine, ça vient de sortir), alors y'a urgence ! Et l'urgence n'est pas tant dans le fait de refiler le bébé à d'autres (ce qui en soit n'est pas une solution "pédagogique", on en est tous conscients) mais d'alerter par un acte fort tant la famille que les éducateurs...
La semaine dernière, le même me faisait, toujours en hurlant, parce que je lui disais de se taire ou de s'asseoir, je ne sais plus:
- ouais, c'est la prison, ici, vous voulez nous obliger à faire des trucs, hors de question, moi j'obéis à personne, j'ai pas à obéir aux profs, c'est pas comme ça que ça marche... Je vais m'plaindre à ma mère, elle va venir avec sa kalachnikov, et pan pan pan pan pan pan pan (debout, joignant le geste à la parole, de gauche à droite, pour me tuer "virtuellement")...
Et ça, c'est UN gamin, on a des classes de 16 où on n'arrive parfois même pas à travailler quand seulement 5 ou 6 sont présents (retards du matin, beaucoup de fugues en journée...)
Mercredi matin, c'est un autre, en 5ème, qui venait de peloter les seins d'une fille en classe (je n'ai RIEN vu, je m'occupais d'une autre élève, déjà, la honte pour moi...) qui me disait "va te faire foutre" et des tas d'autres gracieusetés, parce que je lui demandais de rester balayer les bouts de gomme qu'il avait lancés dans la classe... (les gommes qu'il avait volées aux autres, tiens donc, histoire de passer le temps)...
Ces petits incidents isolés, il y en a cinquante par jour: hier, par exemple, trois gamins ont fugué et ont fait un barbecue de saucisses non loin du collège... avant-hier, deux autres fugueurs ont allumé des brulots pour essayer de foutre le feu à une bagnole... Je ne parle pas d'un jeune africain qui hurle dans les couloirs des paroles de rap: "j'encule la France" (titre de je ne sais quel groupe) alors qu'il a enfin sa carte d'identité française... ou d'un autre garçon qui a toujours sur lui un sweat à capuche sous la casquette rabattue, 4 tee-shirt et 3 pantalons... Vous savez pourquoi ? Non, ça n'est pas par peur de l'expulsion, c'est pour ne pas être reconnu en cas de vol (la casquette sur la capuche, qui cachent le visage) et pour pouvoir se sauver en abandonnant tee-shirt et pantalon derrière un buisson et échapper à une éventuelle poursuite policière... (chaque couche étant d'une couleur contrastrée...)...
Voilà ce qui reste aujourd'hui de mon engagement dans l'enseignement... Des miettes, des bribes d'incidents qui me navrent et me font ressentir mon échec... je me suis prise la vitre... Je n'ai pas été capable de leur donner l'envie de venir à l'école, on a de plus en plus de fugueurs... Chacun de ces incidents, c'est un des petits morceaux de cette vitre contre laquelle je me suis fracassée cette année...
Ah, au fait, j'ai bien réfléchi. Mon principal a raison: ce n'est pas un échec individuel, c'est un échec collectif, l'échec d'une équipe éducative, l'échec de l'institution, l'échec de la nation...
- Tiens, JE VOIS UNE PUTE... JE VOIS UNE SALOPE !
Tous ses camarades me regardent.
Puis il se retourne tanquillement, calmement, fait celui qui me découvre et me dit très poliment, toujours très fort, en me souriant hypocritement:
" Bonjour, Madame C... ! Vous allez bien, aujourd'hui ? Est-ce que vous êtes de bonne humeur ?"
Bon, conseil de discipline. Il est en 6ème, on va pas le garder jusqu'à 3ème, faut lui montrer qu'il a dépassé les limites (qu'il avait déjà franchi une bonne centaine de fois depuis le début de l'année scolaire) avant que les conseils de discipline soient interdits (l'année prochaine, ça vient de sortir), alors y'a urgence ! Et l'urgence n'est pas tant dans le fait de refiler le bébé à d'autres (ce qui en soit n'est pas une solution "pédagogique", on en est tous conscients) mais d'alerter par un acte fort tant la famille que les éducateurs...
La semaine dernière, le même me faisait, toujours en hurlant, parce que je lui disais de se taire ou de s'asseoir, je ne sais plus:
- ouais, c'est la prison, ici, vous voulez nous obliger à faire des trucs, hors de question, moi j'obéis à personne, j'ai pas à obéir aux profs, c'est pas comme ça que ça marche... Je vais m'plaindre à ma mère, elle va venir avec sa kalachnikov, et pan pan pan pan pan pan pan (debout, joignant le geste à la parole, de gauche à droite, pour me tuer "virtuellement")...
Et ça, c'est UN gamin, on a des classes de 16 où on n'arrive parfois même pas à travailler quand seulement 5 ou 6 sont présents (retards du matin, beaucoup de fugues en journée...)
Mercredi matin, c'est un autre, en 5ème, qui venait de peloter les seins d'une fille en classe (je n'ai RIEN vu, je m'occupais d'une autre élève, déjà, la honte pour moi...) qui me disait "va te faire foutre" et des tas d'autres gracieusetés, parce que je lui demandais de rester balayer les bouts de gomme qu'il avait lancés dans la classe... (les gommes qu'il avait volées aux autres, tiens donc, histoire de passer le temps)...
Ces petits incidents isolés, il y en a cinquante par jour: hier, par exemple, trois gamins ont fugué et ont fait un barbecue de saucisses non loin du collège... avant-hier, deux autres fugueurs ont allumé des brulots pour essayer de foutre le feu à une bagnole... Je ne parle pas d'un jeune africain qui hurle dans les couloirs des paroles de rap: "j'encule la France" (titre de je ne sais quel groupe) alors qu'il a enfin sa carte d'identité française... ou d'un autre garçon qui a toujours sur lui un sweat à capuche sous la casquette rabattue, 4 tee-shirt et 3 pantalons... Vous savez pourquoi ? Non, ça n'est pas par peur de l'expulsion, c'est pour ne pas être reconnu en cas de vol (la casquette sur la capuche, qui cachent le visage) et pour pouvoir se sauver en abandonnant tee-shirt et pantalon derrière un buisson et échapper à une éventuelle poursuite policière... (chaque couche étant d'une couleur contrastrée...)...
Voilà ce qui reste aujourd'hui de mon engagement dans l'enseignement... Des miettes, des bribes d'incidents qui me navrent et me font ressentir mon échec... je me suis prise la vitre... Je n'ai pas été capable de leur donner l'envie de venir à l'école, on a de plus en plus de fugueurs... Chacun de ces incidents, c'est un des petits morceaux de cette vitre contre laquelle je me suis fracassée cette année...
Ah, au fait, j'ai bien réfléchi. Mon principal a raison: ce n'est pas un échec individuel, c'est un échec collectif, l'échec d'une équipe éducative, l'échec de l'institution, l'échec de la nation...
Ouais mais ça c'est le système!!! Tout ce que tu cites là c'est un défaut d'éducation. L'Education Nationale malgré son nom n'est pas là pour éduquer les gamins mais pour les instruire. L'éducation relève des parents! Le prof ne peut malheureusement pas pourvoir à tout! déjà que les classes sont surchargées... Ce qui serait intelligent c'est que l'Education Nationale travaille en parallèle avec le Ministère qui s'occupe des affaires familiales. c'est peut être un peu... radical, mais si au bout de plusieurs conseils de discipline (avec présence d'une assistante sociale mandatée par la CAF + obligation de la présence des parents) on réduisait le montant des allocs alloués à la famille, cette même famille se bougerait peut être un peu plus le c**.
RépondreSupprimerle souci aussi c'est que tu rencontres des gamins qui sont les enfants d'anciens élèves déjà en rupture avec la scolarité. Ils rentrent chez eux, voient leur parents s'abrutissant devant la télé, vivre tant bien que mal avec les allocs. Travailler? à quoi ça sert? En plus avant les gamins pas doués pour l'école, ils finissaient à l'usine ou ouvriers agricole. Et maintenant????
ben... héhé...